Glossaire bon chic bon genre

Petit lexique à l'usage de l'urbain moderne et inclusif

Voici gracieusement offert par la maison, une liste épuisante mais non exhaustive des termes indispensables à tout humanoïde moderne, sexué ou non, qui se respecte et entend ne pas se faire distancer par une société virevoltant dans tous les sens, surtout à l'envers, ni moquer par le premier jargonneur venu. Ce lexique de plusieurs centaines d'entrées est à garder impérativement sous le coude et s'avérera un précieux compagnon de tous les jours pour faire les boutiques, traduire la presse, les petites annonces, les tracts électoraux ou briller dans les soirées branchées, les facs de lettres, les réunions étudiantes et les meetings.

Ceci est un dispositif quasi médical (non remboursé par la Sécurité sociale) aidant grandement à la génuflexion et soulageant les rotules en cas d’agenouillement prolongé.

Cet outil de sociabilisation pourrait même vous épargner injures et baffes, car ceux qui se disent tolérants ont souvent le verbe rugueux et la main leste.

Ci-dessous, en remplacement des mots et expressions désormais inadaptés à un monde qui se veut bienveillant, un index hélas incomplet des euphémismes* et des termes socialement appropriés, à la mode ou détournés de leur sens tels que piochés un peu partout, sur le net, en entreprise, dans la rue, les colloques et les médias, parfois inventés, naviguant entre le classique, le risible, l'impropre et le débile, mais toujours hypocrites.
Attention cependant, des morceaux de mauvaise foi ont pu volontairement échapper à mon attention et s'y glisser. Je préconise toutefois aux éventuels bougons que cette page offenserait d’augmenter leur consommation de légumes secs ou de courir à leur pharmacie de quartier pour se procurer une ou deux boîtes de suppositoires contre la constipation. En cas de dysfonctionnement trop sévère du tractus anal avec remontée d'humeur dans les synapses et occlusion de l'entendement, un lavement peut être indiqué : demandez conseil à votre médecin traitant qui saura vous diriger vers un psychiatre conventionné. (Nota bene : le clystère n’est pas remboursé par la Sécu mais resservira en cas de rechute).

[* Comme ne l'ignorent pas ceux qui le savent, l'euphémisme, qui découle du grec euphemismos (racines eu « bon » et pheme « parole »), est une figure macrostructurale discursive d'atténuation de la pensée et donc de l'information véhiculée, à savoir, dans le cas qui nous occupe, l'entre-deux d'un duo de deux mots qui fait la paire d'un couple : en somme, le symétrique de l'hyperbole et l'inverse de la litote. On ne peut être plus clair. (Voilà qui explique pourquoi beaucoup d'hommes politiques, qui manipulent l'euphémisme comme personne, nous paraissent si intelligents alors que tout nous prouve le contraire. Effectivement, soyons lucides, « paraissent » seulement, car comme il est loisible à tous de le constater sinon de l'expérimenter, et au vu de leurs résultats, l'on suspecte le festival de bipèdes ordinaires dans des costumes trop grands, voire la meute omnivore de pistonnés que la bonne fortune ou le manque de scrupules a surélevés plutôt que de les laisser logiquement trimballer des cagettes de légumes sur les marchés. Sans oublier l’inévitable cohorte des vraies carpettes et des minables authentiques, qu’ils soient analphabètes, drogués, corrompus, apologistes des terrorismes les plus abjects ou coupables de violences sexuelles. Si, ça s’est vu !)].

Pour clore ce désolant florilège, un splendide « réalité inexistante » est apparu dans les médias en lieu et place d'un « fait non avéré », sans compter le tout nouveau, tout beau, tout chaud (c'est le cas de le dire !) « rapid unscheduled disassembly » (RUD) qui nous est gracieusement offert par la société SpaceX et que l’on traduira par « désassemblage rapide non planifié », épatant euphémisme pour « explosion » ! Pourtant dans « disassembly », autrement dit « démontage » ou « désassemblage », il y a l’idée de maîtrise du processus, ce qui ne me semble pas le cas lors d'une explosion, sauf sur le champ de bataille. D’où l’importance d'employer judicieusement les termes sinon toute compréhension est abolie. Mais n'est-ce pas là une caractéristique de notre époque ?

Vraiment, celui-là est à inscrire au PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL DE l'UNESCO !

Une envie de me finir au vieux malt me saisit invariablement à devoir supporter ces puérilités qui certainement partent d’un bon sentiment mais faussent les relations humaines, pour ne pas dire qu’elles favorisent l'arnaque intellectuelle. J’imagine que des maniaques équeutés ne devraient plus tarder à exiger le bannissement du mot « normal » des dictionnaires ! Prochaine étape : supprimer les mots, ne plus se parler, ne plus se côtoyer, s’isoler, seulement grogner ?

Je serais tenté d'ajouter que les personnes qui jugent injurieux ou dévalorisant de qualifier quelqu’un de « vieux », de « Noir », de « nain », de « handicapé », de « trisomique » ou d’« obèse » ont un sérieux problème de sociabilité, de gestion du langage ou une mentalité pourrie, travers qui mériteraient de petits ajustements civiques, voire une IRM.

Dans notre société, comme dans la plupart des (vraies) démocraties, la solution aux problèmes passe par la sémantique, avec le succès que l'on sait. Cet inquiétant syndrome de mal-être amuse beaucoup les dictatures et nous fait passer pour de sacrés mous du genou. Au risque que ces mêmes dictatures, nous jugeant définitivement installées dans cet état larvaire et incapables de nous défendre, soient tentées de nous soumettre. Ne riez pas, ça se serait déjà vu et l'actualité en témoigne. Passer pour faible motive les cons.

C'est bien malheureux mais en politique comme dans la nature, nul ne respecte la faiblesse : elle fait de vous une proie.